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L’évolution climatique exige de longs développements authentifiés pour être crédibles et un exposé bref pour être compréhensible. Comme les deux exigences sont contradictoires, j’ai reporté en annexes n°1 et 2 in fine les calculs et j’ai proposé un abrégé malheureusement très technique dans le corps de l’exposé, mais il existera néanmoins des redites. En contrepartie, on peut rétablir facilement la présentation internationale du projet.
La courbe de l’explosion démographique ne peut pas être représentée sérieusement avant l’an 1500 par manque d’information. À cette date, l’activité humaine de 0,5 Ghab (gigahabitants) était absorbée par l’environnement et la concentration de dioxyde de carbone se maintenait dans l’air à 280 ppmv (partie par million en volume), abrégée en ppm. La terre se comportant comme à l’aurore de l’humanité, l’environnement sera dit naturel.
Les applications thermodynamiques, analysées par Sadi Carnot à partir de 1824, virent le jour et la houille devint le combustible de choix des moteurs thermiques. Le rendement de ces moteurs restait bas en raison du second principe de Carnot, mais la concentration de l’air en CO2 rejeté par la combustion resta néanmoins constante jusqu’en 1800, alors que la population atteignait 1 Ghab. Le début de l’évolution climatique date par convention en 1841 et l’essor du pétrole concurrença la houille avec succès.
En l’an 2000, la population planétaire s’élevait à 5 Ghab et la concentration de l’air en CO2 à 360 ppm. L’extrapolation de la courbe présente pour 2050 une hypothèse moyenne de 9 Ghab comprise dans un intervalle de 8/10 Ghab. Cette courbe ne cesse de croître et sa dérivée continue d’augmenter sans le moindre point d’inflexion prévisible dans un proche avenir. On peut lui associer une asymptote perpendiculaire à l’axe des temps pour chacune des branches respectivement pour 2100 et 2150.
Contre les apparences, il y a analogie dans la croissance d’un être humain et d’un arbre. L’embryon subit un accroissement exponentiel, le fœtus traverse une période de développement régulier, puis amorce une décroissance exponentielle autour de la naissance. À l’exception de l’âge adulte durant lequel l’être humain se stabilise alors que l’arbre continue de pousser avec lenteur, le processus peut se comparer dans les deux cas. Ce processus, c’est la croissance organisée.
Précisons le phénomène exponentiel sur un échiquier illustré par le problème de Sissa. Pour l’exponentielle croissante, la variable est le nombre de cases et la fonction, le doublement du nombre de grains. Alors que l’exponentielle décroissante consiste à parcourir l’échiquier en sens inverse. Si l’unité de la variable décroît, on a une hyperexponentielle, si elle croît, une hypoexponentielle. L’hyperexponenentielle admet une asymptote. Dans le cas de l’explosion démographique, l’unité de la variable décroit de 1/3, quand la fonction croît de 2. Contrairement à l’ensemble des êtres vivants, le peuplement humain ne suit pas une croissance organisée, mais engendre une explosion sans contrôle.
Dans les années cinquante, l’O.N.U. lança la lutte contre la pollution des eaux au niveau planétaire et qu’elle concrétisa à la suite de quatre ans de travaux scientifiques et techniques coordonnés. C’est pourquoi la France, partie prenante, édicta la loi cadre de décembre 1964 et structura six régions de développement économique adaptée, les Agences de Bassin, actuellement appelées Agences de l’Eau. Alors fut défini pour la première fois l’équivalent-habitant (EH), sous-entendu par jour et compte-tenu de son activité professionnelle, et qui correspondait à des critères précis.
Ces critères sont la consommation d’eau, la production de matières solides totales (MEST), hors dégrillage et dessablage (1/3 minérales, 2/3 organiques ; 1/3 décantables, 2/3 non décantables dans les deux cas précédents) et la Demande Biochimique d’Oxygène en 5 jours (DBO5) avec DBO21 = DCO (Demande Chimique d’Oxygène, assumant une biodégradation complète) et DCO/DBO5 = 1,50.
L’azote et le phosphore, facteurs d’eutrophisation, n’avaient pas été pris en compte et l’aspect bactériologique, vecteur de maladies, avait été négligé, car privilégiant comme traitement la stérilisation des boues par incinération.
Le concept de EH était légèrement variable d’un pays à l’autre et tenait compte du mode de vie. Il concernait non seulement la pollution humaine, mais aussi la pollution induite par le cheptel et par les industries agricoles et alimentaires. Il fournissait automatiquement la quantité de pollution produite, ainsi que la production à traiter par chaque partie de stations d’épuration, prétraitements, traitements primaire, secondaire et tertiaire. Il permettait de calculer les taxes imposées aux industries spécifiques, puis à la consommation d’eau d’irrigation.
Le concept d’équivalent-habitant fit passer la lutte contre la pollution des eaux superficielles du stade de l’élucubration politicienne au stade de l’ingénierie internationale et pour cette raison méritait une réflexion approfondie.
Ayant pratiqué plusieurs années ce mode de lutte contre la pollution des eaux dans une Agence de Bassin et fais de la recherche dans le cadre correspondant du Comité National de l’Eau qui regroupait les Agences, je décidai à titre personnel de généraliser ce concept d’équivalent-habitant dans la lutte contre le réchauffement climatique, pour faire évoluer celle-ci de l’élucubration politicienne à celle de réflexion approfondie. Je créai donc quatre types de EH couvrant tout le champ de la nouvelle discipline et applicable à l’explosion démographique, au cheptel, à la faune sauvage, la végétation et l’industrie.
L’équivalent-habitant énergétique (EHW) :
L’être humain standard se comporte comme une source de chaleur fonctionnant à 37°C. Au repos, sa puissance moyenne est supposée être de 100W et pondéré par l’activité, de 150W, soit respectivement de 3,15 Gigajoules/an et de 4,72 Gigajoules/an pour 2000.
À partir de EHW, pris comme valeur de base de calcul au niveau de l’année 2000, la faune équivaut à 3 fois la valeur de base, donc les êtres vivants dans leur ensemble à 4 fois. Quant à l’activité de l’humanité fournie par la consommation de l’ensemble des combustibles énergétiques, elle s’élève à 6 fois, la planète terre en tant que EHW (à l’exception du volcanisme etc.) émet en l’an 2000 une quantité de chaleur égale à 10 fois (1+3+6) celle de la seule humanité et produit 15.000 fois moins de chaleur que celle apportée par le soleil. On conçoit que dans le cadre des échanges thermiques stricts, la solution à apporter ne soit pas urgente et que l’équilibre originel ne soit pas perturbé. Cela pouvait paraître une évidence, encore fallait-il confirmer l’approche intuitive.
L’équivalent-habitant nucléaire (EHN) :
Le DARI ou Dose Annuelle due aux Radiations Internes fut proposé en vain par Georges Charpak, lauréat du prix Nobel de physique en 1992, comme unité à côté du becquerel en remplacement du sievert/an. En première approximation, il correspond à 8.000 Bq (40K = 4000Bq, 14C = 4000Bq) émis par l’être humain standard, de sexe indifférencié, pesant 70kg, n’ayant pas fait l’objet de traitement médical ou d’un traitement sans récidive cancéreuse depuis 5 ans. Cette unité objective peut être prise comme EHN. Il existe des grandeurs objectives (mesurables) et subjectives (grandeurs objectives affectées de coefficients expérimentaux).
Nous vivons baignés dans un atmosphère radioactive naturelle, à 30% de radon, dont le renouvellement dans l’air est permanent et dont la masse est divisée par mille en moins de 40 jours. Certaines régions de l’Inde, de Chine et du Brésil atteignent des valeurs vingt fois supérieures à la valeur moyenne de la France. Cette valeur croît avec l’altitude, Andes et Tibet, voyages aériens, vols spatiaux. La Bretagne est très touchée, la Sardaigne faiblement. La radioactivité médicale est en croissance exponentielle et se rapproche de celle du radon.
La période du radium, élément intermédiaire, est de 1600 ans et correspond à un élément pratiquement constant comparé à la vie humaine. Un gramme de radium équivaut à 40.109 Bq. L’humanité (an 2000) équivaut donc à plus ou moins 1kg de radium au strict point de vue de l’émission radioactive. Le conjoint constitue la source la plus proche de l’être humain et la plus influente.
L’équivalent-habitant, vecteur de l’effet de serre par le carbone (EHC) :
Pratiquement, l’unique gaz à effet de serre impliqué lors de la respiration est le dioxyde de carbone (CO2). L’être humain standard correspond au repos dans les conditions normales à des valeurs bien définies. La pondération par activité professionnelle par convention égale à 1,3, d’où EHC équivalant à 270m3/an d’oxygène consommé et à 240m3/an de dioxyde de carbone expiré et correspondant exactement à l’être humain de la courbe de population.
Les animaux pris en compte sont les mammifères et les oiseaux qui possèdent seuls une ventilation pulmonaire. Sommairement, le cheptel vif s’élève à un milliard et demi de bovins, autant de moutons et chèvres, un milliard de porcins, outre un milliard et demi de mammifères ou vertébrés sauvages. Provisoirement, nous avons admis 2,5 EHC pour ces animaux standardisés.
L’analyse, qui s’effectue comme celle de EHW, prend en compte successivement l’inspiration d’oxygène et le rejet de dioxyde de carbone. L’atmosphère constitue un réservoir dont la capacité est 105 fois plus importante que n’en consomme la population de l’an 2000. La consommation globale équivaut à 11 fois la valeur précédente (1,0+3,5+6,5), et le réservoir atmosphérique correspond à 9000 ans de consommation, même en négligeant le renouvellement par photosynthèse. Comme dans le cas des échanges thermiques stricts, la solution qu’exige cet aspect du problème n’est pas urgente.
De même, le rejet de dioxyde de carbone conduit aux valeurs suivantes : 9 fois (1,0+3,5+4,5). Le réservoir atmosphérique correspond alors à 150 ans de consommation avec une durée de vie moyenne du CO2 de 100 ans, ce qui produit un cumul partiel et la teneur de CO2 s’accroît régulièrement dans l’atmosphère. Le problème doit être résolu sans délai.
L’équivalent-habitant, vecteur d’un effet de serre hors carbone (EHS) :
La teneur de CO2 dans l’air de 280 ppm entretient une ambiance interglaciaire. Il crée un effet de serre relevant la température due à l’énergie solaire de 32°C aboutissant à une température terrestre moyenne de 15°C, favorable au développement de la vie.
Outre le CO2, il existe d’autres composants, le principal étant la vapeur d’eau à l’action complexe, ainsi que plus dilués mais à fort PRG (Potentiel ou Pouvoir de Réchauffement Global), à savoir le méthane, le protoxyde d’azote et les halocarbures, outre l’ozone, variété allotropique de l’oxygène. Les ruminants par suite de leur activité digestive et contrairement à l’être humain, sont très impliqués dans la production de méthane.
Il peut être d’origine naturelle ou artificielle. La teneur de CO2 dans l’air de 280 ppm entretient une ambiance interglaciaire. Il crée un effet de serre relevant la température due à l’énergie solaire de 32°C aboutissant à une température terrestre moyenne de 15°C, favorable au développement de la vie. Le principal gaz à effet de serre naturel est la vapeur d’eau à action complexe sur le climat.
En ce qui concerne les échanges naturels, il est expédient de choisir CO2 comme modèle pour assimiler à celui-ci les gaz à effet de serre, dont la concentration atmosphérique est faible. Dans ce but, on créa deux concepts, la durée de vie et le pouvoir ou potentiel de réchauffement global (ou PRG). Le premier concept existait déjà dans d’autres domaines. Le second fut une assimilation imprécise mais indispensable à ce nouvel étalon de mesure. Pour un gaz donné, le PRG est le facteur par lequel il faut multiplier ses émissions massiques pour obtenir la masse de CO2 qui produirait l’impact équivalent à la fin d’une période fixée, le plus souvent sous-entendue de 100 ans, durée de vie du CO2.
Outre les halocarbures et l’ozone, variété allotropique de l’oxygène, deux gaz, d’origine naturelle, sont connus, mais existent dans l’atmosphère en si faible teneur, que leur concentration s’exprime en ppb (ou ppbv) partie par milliard en volume, unité mille fois plus petite que celle utilisée pour CO2. Il s’agit de CH4, le méthane, et N2O, le protoxyde d’azote, ce dernier appartenant à une famille plus vaste de composés d’azote. La durée de vie de ces deux gaz est respectivement de 12 et 114 ans et leur PRG, de 23 et 296.
Les trois courbes de concentration volumique dans l’atmosphère entre l’an 1000 et l’an 2000 éditées par le GIEC sont désormais familières. Elle montrent que la terre a réagi en limitant les rejets dans l’atmosphère jusqu’à l’an 1800. Compte tenu du PRG, l’effet de serre de CH4 et de N2O est respectivement 32 et 5 fois plus faible que pour CO2, ce qui n’est plus négligeable.
La population humaine n’est pas concernée directement par les rejets de CH4 et les animaux non ruminants, sont faiblement concernés. La production de CH4 provient de processus de fermentation anaérobie, notamment : dans l’environnement naturel, zones humides telles que marais et tourbières, activité des termites et même océans, et dans l’environnement anthropique, zones humides telles que rizières, digestion des ruminants, décharges et déchets, biomasse et biocarburants. Devant l’impossibilité de quantifier l’ensemble des phénomènes, nous nous limiterons à un examen partiel. Vu l’action du cheptel domestique et du troupeau des animaux non domestiqués, l’excédent atmosphérique se limiterait au rapport 4, mais vu la brièveté de sa durée de vie fixée à 12 ans, une action efficace reste encore possible.
Parmi les composés de l’azote, N2O provient de la décomposition de produits azotés : par l’agriculture et la forêt, sous forme d’usage d’engrais et de feux de biomasse ; par l’industrie chimique, sous forme d’utilisation d’acide nitrique, de fabrication du nylon ; par les transports, sous forme d’usage de pots catalytiques etc. La masse de N2O contenue dans l’atmosphère est 500 fois plus importante que la production annuelle. Cette valeur peut paraître acceptable, mais elle n’est pas négligeable, vu sa durée de vie, 114 ans et son fort PRG, 296. Quoiqu’il en soit, N2O n’est plus négligeable comparé à CH4 dans sa participation à l’effet de serre.
En conclusion, malgré l’imprécision des données, ces deux vecteurs entrent pour un pourcentage significatif dans la formation de l’effet de serre naturel hors carbone et renforcent nettement l’action déstabilisante du CO2.
Abordons les échanges artificiels. Lorsque j’étais en poste au Niger, j’utilisais un réfrigérateur portatif, indispensable, mais sale et dangereux, car en l’absence d’électricité, l’énergie était fournie par l’essence, et le fluide caloporteur par l’ammoniac. Les constructeurs décidèrent alors de remplacer le fluide par les fréons, produits chlorés ou fluorés d’une grande stabilité, donc supposés totalement inoffensifs sur le plan chimique.
Puis leur emploi fut généralisé aux réfrigérateurs, climatiseurs, bombes à aérosols, et leur extension à toute une gamme de produits chimiques, halocarbures, comportant eux-mêmes HFC (hydrofluorocarbures), PFC (perfluorocarbures) et CFC (chlorofluorocarbures), où les atomes d’halogène remplaçaient ceux d’hydrogène en tout ou partie. Lorsque leur emploi fut étendu, on s’aperçut que leur innocuité sur le plan chimique avait pour contrepartie une action considérable sur l’effet de serre, avec une durée de vie se chiffrant de la décennie au millénaire et un PRG compris souvent entre 5000 et 11.000, sans oublier qu’ils étaient responsables de la destruction de l’ozone dans la stratosphère.
Malgré leur interdiction par le protocole de Montréal en 1987 surtout en raison de la destruction de l’ozone, leurs propriétés maintiennent leur concentration dans l’atmosphère à un niveau stable. L’effet de serre que provoquent ces composés artificiels aux molécules complexes reste au niveau de celui des composés naturels.
Enfin, SF6 (hexafluorure de soufre), émis lors de la combustion des combustibles fossiles, possède un PRG exceptionnel de 22.000.
En conclusion, ces vecteurs entrent pour un pourcentage significatif dans la formation de l’effet de serre artificiel hors carbone et se conjuguent avec les vecteurs ci-dessus (CH4, N2O) pour nettement renforcer l’action déstabilisante du CO2.
L’approche analytique met en lumière une propriété : l’œuvre matérielle créée par l’humanité constitue un prolongement comportemental et possède des caractéristiques humaines, donc connues et applicables, qui peuvent lui être attribuées. La notion d’équivalent-habitant s’est révélée payante. On peut utiliser des critères appliquées pour les échanges de chaleur et la respiration. Les échanges thermiques stricts et l’inspiration respiratoire (consommation d’oxygène) ne posent pas de problèmes immédiats, contrairement à l’expiration respiratoire (rejet de dioxyde de carbone).
Le problème primordial à traiter en urgence au niveau mondial porte sur l’effet de serre produit par le dioxyde de carbone. Mais viennent s’ajouter les éléments à fort PRG, soit existant avant l’industrialisation comme le méthane et le protoxyde d’azote, soit nouveaux venus industriels à très fort PFG comme les composés fluorés.
Il existe un forçage de l’humanité de l’an 2000 sur la planète par rapport à celle de de l’an 1500 évoluant dans un milieu naturel. Mais surtout, l’œuvre humaine a eu pour conséquence de dépasser par son ampleur les effets directs produits par l’existence de l’humanité. Nous avons vu que le pouvoir multiplicateur valait 4,5, en ce limitant aux seuls rejets de dioxyde de carbone mesurés par l’unité EHC. Tout se passe comme s’il existait à côté de l’humanité réelle de 9 Ghab. une seconde humanité fictive de 40 Ghab., autrement dit l’humanité de l’an 2000 rejette 100 fois plus de CO2 dans l’atmosphère modifiée que celle de l’an 1500 dans le milieu naturel.
Ayant dégagé trois principes, l’évolution climatique s’appuie sur les points développés dans l’annexe in fine.
Contrairement à toutes les autres espèces vivantes, l’humanité a remplacé une croissance non organisée par une explosion incontrôlée. Elle impose à la Terre un isolement progressif où l’entropie ne fait qu’augmenter et qui conduit à une évolution planétaire désordonnée transformant une situation isotherme réversible en situation adiabatique irréversible (1er principe).
L’œuvre humaine conduit à l’épuisement des ressources naturelles qui incluent : les combustibles fossiles, la couche pédologique support indispensable de la vie, des éléments du tableau de Mendeleïev … (2ème principe).
L’humanité a ajouté à l’effet de serre naturel une croissance exponentielle de la quantité des rejets polluants en fonction de l’équivalent-habitant EHc et qui relève de plusieurs domaines : humain, animal, agricole et industriel (3ème principe).
En conclusion, les anciens exemples s’appliquant à des cas relativement limités doivent s’étendre maintenant jusqu’au niveau mondial. Par les conséquences que nous induisons, nous comprenons que les djihadistes peuvent hélas saisir une opportunité extrêmement funeste. N’existerait-il pas un précurseur ? Considérons le modèle réduit climatique de Saddam Hussein.
Désirant se doter de l’arme nucléaire, Saddam Hussein comprit que parallèlement un pays comme le sien pouvait réaliser des armes chimiques et bactériologiques plus rapidement et à moindre coût. Il fit preuve d’une réaction primaire et totalement criminelle : le 23 février 1991, la veille de l’invasion de l’Iraq, il créa successivement une pollution marine par épandage du pétrole koweïtien dans le Golfe persique, puis une pollution atmosphérique gigantesque en incendiant les champs pétrolifères du Koweït.
L’Américain Red Adair comprit très jeune qu’être pompier du pétrole exigeait des compétences particulières, une technique et un matériel adaptés. Il fonda donc sa société et parcourut le monde surchargé de travail, si bien qu’à l’ombre du géant, prospérèrent bientôt sans problème des sociétés de moindre importance.
Sollicité pour clore la tragédie inventée par Saddam Hussein, il connut ses premiers déboires, car les champs pétrolifères du Koweït avec ses centaines de puits en feu renaissant sans cesse se comportaient comme l’Hydre de Lerne, serpent monstrueux dont chacune des sept têtes repoussait aussitôt si toutes n’étaient pas tranchées d’un seul coup. Il fallut donc mobiliser toutes les compétences mondiales, qui ensemble combattirent deux longs mois avant de venir à bout de ce fléau, digne du deuxième des travaux d’Hercule.
Cette catastrophe artificielle peut malheureusement soutenir la comparaison avec les grands incendies naturels contemporains : Russie, Chine, Landes en France, Sydney en Australie, Parcs Nationaux aux États-Unis, Province d’Alberta au Canada… Précisons.
En 1871, dans le Wisconsin, le long de la Peshtigo river, un incendie détruisit 500.000 ha de forêt ainsi que 16 villages, provoquant entre 800 et 1200 morts. Quoique le plus meurtrier, ce ne fut pas le plus destructeur, les Parcs Nationaux américains étant très touchés régulièrement chaque année.
À la mi-août 1949, dans les Landes, une vague de feu avançant à 10 km/h détruisit 6000 ha en une demi-heure et au total 28.000 ha créant un nuage de fumée visible à 200 km de là dans les Pyrénées et causant la mort de 82 sauveteurs.
En mai 1987, dans la province de Heilongjiang au nord-est de la Chine, un incendie détruisit plus de 1.000.000 ha, ainsi que 3 villes, dont une de plus de 20.000 hab. Le nombre réel de victimes est sujet à caution.
En décembre 2001 et janvier 2002, dans la région de Sydney, un incendie d’origine criminelle détruisit plus de 570.000 ha encerclant la ville et obscurcissant le ciel mais sans faire de victimes.
En août 2010, en Russie au cours d’une canicule sévère, un incendie détruisit plus de 800.000 ha de forêt et plusieurs villages obscurcissant le ciel de Moscou durant plusieurs jours.
En mai 2016 et au-delà, en Alberta, un incendie de forêt détruisit la ville de Mc Murray, entraînant l’évacuation programmé de 100.000 hab.
Un jour, nous étions, ma femme et moi, sur un remonte-pente de moyenne montagne, lorsqu’un individu sur un remonte-pente précèdent jeta négligemment son bout de cigarette déclenchant immédiatement un incendie sous lui. Arrivés en haut de la côte, nous nous précipitâmes vers le téléphone pour avertir les pompiers du village de départ. Ceux-ci réagirent sur le champ. Quoique bénévoles et équipés sommairement, ils circonscrivirent le feu en une heure. Cet exemple démontre qu’il est aisé de déclencher un incendie par négligence ou d’origine criminelle, mais qu’en contrepartie, une intervention rapide est le meilleur gage de succès.
Revenons à Saddam Hussein. En 1991, je fus envoyé au Bangladesh pour réaliser une étude hydrométéorologique.
Le Bengale est soumis au régime de mousson. Pendant plusieurs mois, les vents dominants soufflent de la mer vers la terre, en apportant leur cortège de pluies diluviennes au point que durant les quinze jours les plus arrosés, le volume d’eau transitant dans le delta équivaut à celui s’écoulant dans l’ensemble des cours d’eau français pendant une année. La crue culmine en août et septembre. Pendant plusieurs mois, les vents dominants soufflent de la terre vers la mer en entretenant une sécheresse sévère au point que l’irrigation impose un rythme trop soutenu pour être équilibré.
Entre les deux saisons principales, existent deux périodes d’instabilité climatique favorable aux cyclones. Le spectacle est hallucinant : puissance du vent, toitures qui s’envolent par centaines, navires qui s’élancent hors de l’eau et s’échouent sur la terre ferme, arbres adultes qui s’arrachent du sol et se fracassent en retombant, remontée dans le delta du raz de marée qui assassine les êtres humains et les animaux et stérilise la couche arable, reflux de la vague salée qui découvre sur des kilomètres les victimes couchées côte à côte. Naturellement chaque crue, chaque cyclone entraînent dans leur sillage des épidémies favorisées par le contexte endémique de maladies telles que le choléra.
Comme je l’établis dans l’analyse des cyclones que j’entrepris, le Bangladesh est soumis à quatre saisons de durée aléatoire, les deux saisons de transition favorables aux cyclones étant incompatibles avec la saison sèche et la saison de mousson. Dans le premier cas, les cyclones se produisent durant l’extrême étiage, dans le second cas, souvent en fin de décrue, rarement au milieu de celle-ci. Les effets néfastes des cyclones et des crues ne se conjuguent heureusement pas.
Que se passa-t-il cette année durant la première saison d’instabilité climatique ? Vers la mi-mars, je fus averti que des chutes de neige de couleur grise et d’aspect graisseux, fruit de la dispersion d’aérosols pétrolifères, avaient eu lieu sur les contreforts himalayens du Népal. Je constatai que l’incendie téléfilmé des centaines de puits de pétrole du Koweït fluctuait au gré des vents dominants. Avec mon expérience des relevés météorologiques et ma connaissance du climat bangladeshi, je ressentis un décalage significatif entre les conditions de ce mois de mars et les normales climatiques saisonnières : nous traversions une période anormalement chaude.
Cet événement écologique constituait une première mondiale. Certains spécialistes avaient auparavant insisté sur la perturbation thermodynamique de l’atmosphère par de fortes éruptions volcaniques, mais ici nous nous trouvions face à un phénomène original par sa nature et son ampleur : le déplacement d’une masse d’air chaud riche en composants organiques sur cinq mille kilomètres, au cours de la saison d’instabilité précédant la mousson. L’Irak instaurait un mode de pollution, arme de guerre aux effets incontrôlables en exploitant un concours de circonstances météorologiques avec intelligence et sans scrupule.
L’analyse des cyclones mentionnée ci-dessus éveilla mon attention. Elle répertoriait en deux siècles, de 1790 à 1990, une cinquantaine de cyclones majeurs, dont le plus meurtrier à l’origine de la fondation du Bangladesh qui avait causé la mort de 300.000 personnes.
Réunissant des spécialistes, je leur expliquai qu’il allait, à mon avis, se produire un cyclone au début du mois de mai. Pour répondre à une question sur les imbrications probables ultérieures, je supposai deux hypothèses, une série de cyclones mineurs ou l’arrivée précoce de la mousson. Le cyclone qui s’abattit sur le pays le 29/30 avril 1991 atteignit presque l’ampleur de celui du 12/13 novembre 1970, reconnu comme le plus destructeur des deux derniers siècles. Puis alternèrent des cyclones mineurs et de violentes précipitations.
Rappelons les faits. Jusqu’au Moyen Âge, le monde vivant restait en équilibre biologique, l’activité humaine se dissolvant dans l’environnement terrestre.
Depuis lors, l’activité humaine a largement perturbé cet équilibre et l’être humain, dont le développement était soumis à un rythme naturel, évolue dorénavant dans un environnement artificiel et à un rythme beaucoup plus rapide qu’il a lui-même créé. Tout se passe comme s’il existait à côté de l’humanité réelle de 9 Ghab. une seconde humanité fictive de 40 Ghab., autrement dit l’humanité de l’an 2000 rejette 100 fois plus de CO2 dans l’atmosphère modifiée que celle de l’an 1500 dans le milieu naturel. Une action immédiate s’impose pour maîtriser ces phénomènes, car ni cet être humain ni son cerveau ne peuvent s’adapter aux rythmes de variation créés par son hyperactivité.